L'exposition de Niki de Saint Phalle peintre et sculpteur franco-américaine décédée en 2002 a occupé l'ensemble du Musée Ernst de Budapest dans le cadre d'une série d'expositions présentant l'ouvre d'artistes femmes.
Les ouvres de Niki de Saint Phalle ont été arrangées selon la conception suivante: dans la premiere des salles consacrées a l'ouvre graphique, en face des vitraux de József Rippl-Rónai, nous avons mis les sérigraphies des années 90, aux themes visiblement répétitifs et dans lesquelles on peut trouver les renvois aux maîtres classiques qui ont influencé l'artiste (Henri Matisse, Picasso, Braque, Miró - La danse; Attention dragueurs). L'exposition débute avec L'ange protecteur ou la figure du dragon est déja représentée. Elle dialogue avec l'ouvre titrée Jean in my heart ou le portrait de Jean Tinguely, deuxieme époux de Niki, est situé juste a la place du dragon, tandis que Niki est représentée par l'ange dont j'ai parlé plus haut. Elle a une relation évidente avec les sculptures aériennes des Nanas.
Dans la deuxieme salle des ouvres graphiques, l'organisation la plus forte est l'écriture. Elle a deux formes sur les ouvres : d'une part comme documentation, note, partie d'un journal intime, enregistrement d'une idée, projet (Dear Laura ; Dear Diana I had a marvelous time; I rather like you a lot you fool) ; d'autre part on voit des taches, des mouvements et des couleurs disposées instinctivement (Black is different ; Dear Paul / Telephone ; Order and chaos ; Temperance). Dans le premier groupe cet élément est similaire aux liserons, il relie les différents motifs, tandis que dans le deuxieme il est plus autonome, un fleuve de texte qui ne possede pas forcément un sens rationnel mais qui joue plutôt un rôle de remplissage de l'espace.
Les ouvres du début de la carriere de l'artiste sont présentées dans la salle centrale de l'exposition. Elles sont datées du commencement des années 60. On y voit des assemblages reflétant l'expression d'une agressivité forte et perceptible - du genre qui peut blesser autrui ou etre blessé soi-meme - (Overpopulation ; Roue de fortune ; Paysage de la mort II), des ouvres alliées a la peinture d'action similaire au dripping pollockien (Scorpion and stag ; Tempete [fragment de Dracula I] ; Dart Portrait ; Long Shot [second shooting session]). C'est ici que les couleurs apparaissent. Dans cet événement on peut voir la peinture s'animer semblable au cas des icônes. A la maniere des Madones miraculeuses du Moyen-Age, l'image commence a saigner, c'est la meme image que Niki identifie d'abord a ses amours, puis a son pere, aux hommes en général et finalement avec elle-meme. La Vénus est déja la premiere expression d'une entrée dans le monde a trois dimensions. Sa forme légere est le point de départ des Nanas tandis que les objets appliqués sur son corps sont l'expression d' un sentiment contre la guerre, celui de la féminité et de la joie quotidienne. Ce n'est pas par hasard que deux directions différentes peuvent etre liées a cette meme sculpture : la premiere signification se trouve dans le Cour de vieille bigote [Cour blanc], ou entre la structure rangée en ordre systématique du Super-Ego (Surmoi) et les signes des projets avortés du passé, parmi les désirs refoulés de l'inconscient figurés par les poupées tordues, au centre de l'ouvre on peut apercevoir un masque de vieille dame, de sorciere dans sa fenetre en forme de cour bien caché derriere la surface. A côté de cette figure un portrait du Pape et des sculptures de Notre-Dame sont visibles comme sur plusieurs autres assemblages. Ces signes peuvent représenter ce double aspect de la foi intérieure et l'institution religieuse, le monde divin et le monde humain. Suivant la deuxieme signification, nous retrouvons le chemin du dragon personnalisé. Dans les ouvres antérieures, il est représenté comme un monstre a craindre, puis il devient un animal domestique apprivoisé ; a la fin - parmi les figures du Jardin des Tarots - il se révele un embleme personnel de l'artiste (Rhinocéros [Save the Rhinocéros] ; Positive et négative Dragon). Derriere la porte gardée par les deux dragons, les ouvres appartenant a la pensée du Temple idéal sont regroupées. Cette idée occupe une place centrale dans les créations de Niki depuis 1972 déja. Elle utilise les différents éléments des religions du monde entier (L'arbre de la vie ; Sphinx ; Buddha). A leur côté les gravures tres fines faites a la pointe seche évoquent l'amour (Nana et serpent ; Nana et dragon ; Le voyage ; L'amitié). Les sculptures humoristiques, caricaturales (Vache et Homme lisant son journal) sont liées aux représentations des animaux. Parmi eux les vases représentent une idée tres importante de Niki selon laquelle l'art doit etre présent dans la vie quotidienne de chacun. Les sculptures Wall Street et Josephine Baker montre bien la sensibilité extraordinaire de Niki de Saint Phalle : elles font allusion d'une part aux problemes familiaux, d'autre part, elles visent la neutralisation du scandale et la commémoration, le fait de bâtir un monument. Sur les sérigraphies Fontaine-Stravinsky et Cher Igor on voit les projets de la fontaine a côté du Centre Pompidou a Paris que beaucoup de gens connaissent sans savoir qui en est l'auteur. Quelques figures réapparaissent parmi les structures habitables du Jardin des Tarots, qui est un peu le résumé de toute l'ouvre de l'artiste (par exemple l'Oiseau de Feu se retrouve sur la représentation de la carte du Soleil). Nous ne pouvions montrer cet énorme groupe de sculptures qu'ndirectement mais on peut en créer une image a partir du film projeté continuellement durant l'exposition (Peter Schamoni: Who is the monster - you or me?). La conception du monde de Niki de Saint Phalle est le plus caractéristique dans sa sculpture Le Diable ou les couleurs posées l'une a côté de l'autre tâche par tâche ainsi que la figure hermaphrodite expriment bien la force grâce a laquelle l'artiste a réussi a réaliser son ouvre complexe en combattant tous les obstacles, se renouvelant a chaque fois, dans son engagement pour la liberté. Elle préserve les rôles traditionnels de la femme en portant l'accent sur l'égalité des genres humains. Elle essayait de mettre en balance les questions de domination et d'hiérarchie produites. La sérigraphie The falling tower fait allusion aux ouvres communes avec Jean Tinguely. Dans le Jardin des Tarots a Garavicchio une machine mobile de Tinguely surmonte la tour brisée. D'autres édifices d'espaces publics peuvent etre reconnus sur la sérigraphie intitulée Jerusalem.
Un an tout juste apres l'exposition de la donation de l'artiste au Musée d'Art Moderne et d'Art Contemporain de Nice, plusieurs des ouvres les plus importantes de cette collection de 190 ouvres sont présentées au public de Budapest. L'exposition itinérante est présentée en Europe Centrale et d'abord au Musée Ernst. C'est la premiere fois qu'elles quittent la France. L'histoire hongroise de l'art féminin (milieu dans lequel l'exposition entre) a joué un rôle important dans notre choix. Ainsi nous avons accepté de montrer les ouvres graphiques du type des journaux intimes car la parole directe et personnelle imagée a été initiée par les artistes femmes dans les années 60 en Hongrie. Elle a connu un âge florissant de nouveau dans les années 80-90, parallelement a l'attention croissante portée envers les notes écrites personnelles, ces formes de journal intime bien visibles dans la littérature et l'histoire de l'art.
Il était aussi important dans notre conception de présenter les ouvres des années 60 faites de "matériau féminin, de travail féminin, de culture féminine" (Vénus, Cour de vieille bigote [Cour blanc]), car la meme thématique et la meme utilisation de matiere sont apparues au meme moment en Hongrie.
Parmi les ouvres du début de sa carriere nous avons choisi tres peu d'exemples afin que "l'attaque" de Niki de Saint Phalle contre les formes traditionnelles de l'art soit encore plus accentuée. Nous avons tenu a présenter au public le plus d'ouvres possibles parmi celles les plus connues de l'artiste.
L'exposition itinérante est présentée en Europe Centrale et d'abord au Musée Ernst, avec l'aide de l'Institut Français de Budapest, du Ministere du Patrimoine Culturel Hongrois, du MAMAC de Nice et de la Fondation Niki de Saint Phalle, dans le cadre du Festival de Printemps et FranciArt, saison culturelle franco-hongroise.
Judit Faludy, commissaire de l'exposition